Une informatique éthique, libre et locale : utopie ou réalité ?
Itopie, une société coopérative fondée par Maurizio Notarangelo et Esteban Briones à Genève, se positionne comme une alternative informatique en remettant les valeurs humaines au cœur du débat sur la technologie.
Depuis 2011, Itopie développe des solutions techniques et sociales afin de contribuer à bâtir un monde informatique éthique, libre et local.
Formés par une équipe d’informaticiens passionnés qui refusent de s’enfermer dans leur discipline, les membres d’Itopie s’intéressent aux problèmes de société, aux questions écologiques et sociales pour recréer un pont entre économie, technologie et valeurs humanistes.
Samuel Chenal, auparavant informaticien dans une entreprise internationale, a rejoint l’équipe d’Itopie depuis 1 an afin de retrouver une cohérence entre ses valeurs et son travail en gestion informatique.
Une approche éducative et éthique
« C’est l’approche qui est complètement différente » explique Samuel. « Car dans les faits nous faisons le même travail que des informaticiens dans un groupe international : nous configurons des systèmes informatiques, nous faisons de l’assistance technique… Mais nous privilégions les valeurs écologiques en réparant et en vendant du matériel informatique d’occasion, tout aussi performant que du matériel neuf, pour prolonger la durée de vie des appareils dans l’intérêt de l’environnement. Nous éduquons nos clients au low-tech, la basse technologie, en nous intéressant à leurs besoins réels sans pousser à la surconsommation de technologies qu’ils n’utiliseront pas. Nous faisons la promotion des logiciels libres pour lesquels nous proposons des formations… »
Avant tout, Itopie veut permettre une réappropriation de la technologie par l’individu. « Cela ne signifie pas que tout le monde devienne informaticien, mais simplement que l’utilisateur dispose d’un minimum de compréhension et de contrôle de son appareil. Car lorsque nous manquons d’éducation sur un sujet, nous pouvons nous faire manipuler très facilement. Un des risques qui menace notre époque est une forme d’inculture informatique, d’immaturité technologique qui devient de plus en plus dangereuse pour notre société. »
Un enjeu pour les libertés
Le danger est réel pour nos libertés individuelles au niveau de la sécurité de nos données, de la confidentialité de nos vies privées. Mais il existe aussi des enjeux sociétaux très importants au sujet de l’indépendance du web. « Dans la tendance informatique actuelle, une concentration énorme s’organise autour des 5 acteurs principaux proposant l’Internet. Ces acteurs sont bien sûr américains. Non seulement, ils dominent toute la sphère internet internationale avec leurs services, mais aussi toute la sphère économique. Ces acteurs sont les GAFAM : Google, Amazon, Facebook, Apple et Microsoft.
Cette situation détruit la diversité informatique indispensable à la créativité et à la liberté. Au même titre que la biodiversité est essentielle dans la nature, elle est nécessaire en informatique.
Car une diversité basse crée un risque, une fragilité… Si un problème survient, si Google rencontre un problème informatique grave, c’est tout un pan de l’économie mondiale qui est paralysé. »
Les solutions :
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Relocaliser l’activité informatique
Face à la globalisation, la solution est toujours la relocalisation. « Au lieu que nos données informatiques soient situées sur des serveurs aux États-Unis, il est possible d’héberger nos données à proximité de chez soi, chez un informaticien de confiance.
Nous retrouvons les mêmes enjeux en informatique que dans le domaine de l’alimentation : c’est un choix à faire entre l’industrie agro-alimentaire et l’alimentation bio et locale, entre l’industrie des géants du web et le réseau d’acteurs locaux.
En tissant un réseau local, nous participons à recréer des liens de confiance, nous nous réapproprions nos territoires et nos ressources. Il est par exemple possible de créer un réseau social local avec Diaspora. Ainsi, ce ne sont plus des multinationales qui desservent le monde entier mais des acteurs locaux qui interviennent au niveau d’une ville ou d’une région.
Relocaliser permet de garder une taille humaine, de se rencontrer, de dialoguer… Cela redonne du sens à l’informatique qui devient constructive sur un plan humain et permet à des citoyens de se réapproprier la technologie beaucoup plus facilement qu’en achetant un appareil anonyme dans un grand supermarché. »
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Utiliser des logiciels libres
Les logiciels libres sont transparents, ils appartiennent à la communauté et représentent une garantie de sécurité et de liberté. Utiliser les logiciels libres est un acte citoyen selon Itopie, une démarche éthique et philosophique, une façon de contribuer à son échelle à créer une société meilleure en s’opposant au monopole des géants du web.
Passionné depuis plus de 20 ans par les logiciels libres et notamment Gnu/Linux , le système d’exploitation libre par excellence, Samuel nous explique les 4 libertés fondamentales intrinsèques au mouvement pour les logiciels libres numérotés de 0 à 3 :
- la liberté d’exécuter le programme, pour tous les usages ;
- la liberté d’étudier le fonctionnement du programme et de l’adapter à ses besoins ;
- la liberté de redistribuer des copies du programme (ce qui implique la possibilité aussi bien de donner que de vendre des copies) ;
- la liberté d’améliorer le programme et de distribuer ces améliorations au public, pour en faire profiter toute la communauté.
Ainsi le code source d’un logiciel libre est accessible à tous. « Par exemple, le logiciel du vote électronique dans le canton de Genève est libre donc nous avons accès au code source. Nous pourrions croire qu’il est dangereux que tout le monde ait accès au code, mais en fait c’est l’inverse. Cela permet au plus grand nombre d’informaticiens de trouver et de corriger les failles, de faire progresser le logiciel. La transparence d’un logiciel augmente la sécurité, parce qu’il y aura beaucoup plus de personnes qui pourront revoir le code, l’améliorer et donc il sera plus sûr. »
Cette philosophie de l’informatique qui protège les droits de l’utilisateur est devenue un mouvement social né au début des années 1980 sur l’initiative de Richard Stallman. Il repose sur les principes de Liberté, Égalité et Fraternité et développe les notions de partage des connaissances, de coopération, de mutualisation, de développement de biens communs au détriment d’enrichissements personnels.
Par sa démarche et à son échelle Itopie contribue à construire et renforcer une informatique ouverte et à l’écoute des besoins des utilisateurs, où la coopération et les valeurs partagées sont au centre des échanges.